Le prix des médicaments en accès libre semble échapper à tout contrôle. Prenez l'exemple de l'étamsylate (Dicynone®), médicament utilisé notamment contre les troubles passagers de la circulation. En Auvergne, son prix peut aller de 2,25 euros à 9,40 euros selon la pharmacie où vous l'achetez, soit une variation de près de 320% ! C'est ce qui ressort de l'analyse des données que la Mutualité Française s'est procurée auprès de Celtipharm sur les prix de vente des médicaments en libre service au mois de juin 2010. Précision importante : ces chiffres détaillent les prix au niveau régional, ce qui permet de faire ressortir les nombreuses incohérences qui ne sont pas forcément visibles sur les moyennes nationales.
Depuis le 1er juillet 2008, près de 350 médicaments sont disponibles en accès libre dans les pharmacies. Ces produits, dont le prix est libre, sont vendus sans ordonnance et ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Il s’agit de médicaments destinés à l’automédication, utilisés pour soigner des symptômes bénins. Ils doivent être distingués des produits disposant d'une vignette, vendus avec ou sans ordonnance et dont les prix sont administrés par les pouvoirs publics.
A l’origine, la création du libre accès en pharmacie devait permettre aux patients "d’obtenir le meilleur traitement au meilleur prix", selon les vœux de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot.
Une baisse générale des prix qui cache des écarts importants
"Si on regarde la moyenne des prix des médicaments en libre service au niveau national, explique Laurent Piccinini, chef de projet au département politique du médicament de la Mutualité Française, on observe en moyenne une légère baisse de l'ordre de -1,2%." Les baisses les plus importantes concernent les médicaments contre les allergies (antihistaminiques), contre l'herpès (antiherpétiques) ou encore contre la diarrhée (antidiarrhéiques). "Mais ce chiffre cache des disparités très importantes entre les produits, tempère Laurent Piccinini. Ces différences sont probablement dues aux négociations et marges commerciales des différents acteurs de la chaîne du médicament : industriels, grossistes, groupements et officines."
Une boîte de 20 comprimés d'ibuprofène 200mg, médicament bien connu contre la douleur (Anadvil®, Nurofen®, Upfen®, Spedifen®...), est vendue par une majorité de pharmacies d'Ile-de-France entre 1,97 euro et 3,20 euros, soit une différence de 1,23 euro. Le même médicament peut être trouvé à 1,89 euro en Lorraine. Autre illustration : le lopéramide (Imossel®, ImodiumCaps®, Ercestop®, Gastrowell®), un médicament utilisé contre la diarrhée. Le prix d'une boîte de 12 comprimés de 2mg peut varier entre 3 et 4,40 euros selon les régions, soit une différence de plus de 40%.
31,50 euros de différence pour les patchs à la nicotine !
Ces écarts injustifiés ne s'arrêtent pas là. Certains produits battent tous les records lorsqu'on calcule le prix de vente à l'unité. La boîte de 20 comprimés d'acide ascorbique 1000mg (vitamine C) peut être trouvée à 1 euro dans le Languedoc-Roussillon, tandis que la boîte de 30 comprimés peut être vendue jusqu'à 6,30 euros dans la même région. Le prix de cette même boîte de 30 comprimés peut grimper jusqu'à 8,40 euros en Franche-Comté. Ramené à l'unité, le prix des comprimés passe ainsi de 0,05 euro à 0,28 euro, soit une variation de 460% !
Dernier exemple : les fumeurs souhaitant arrêter la cigarette devraient y regarder à deux fois avant d'acheter leurs patchs. Le prix d'une boîte de patchs de nicotine 14mg (Nicopatch®, Niquitin®, ...) peut varier entre 18,50 euros et 50 euros selon les pharmacies, soit une différence de 31,50 euros !
"Malheureusement, la mise à disposition des médicaments en libre accès s'est faite sans qu'aucun contrôle n'ait été créé par les pouvoirs publics, regrette Jean-Martin Cohen Solal, directeur général de la Mutualité Française. Le résultat ne s'est pas fait attendre : c'est la jungle des prix ! Nous regrettons que les patients aient si peu de lisibilité sur les prix des médicaments qu'ils achètent en automédication."
Lors de la mise en place de cette mesure, rappelle-t-on, le gouvernement avait d'ailleurs annoncé la création d'un observatoire des prix des médicaments en accès libre. Deux ans plus tard, cet outil de contrôle est toujours attendu.